Si je vous dis « Japon » et « habit », vous pensez… Kimono ! Ce vêtement traditionnel est si indissociable de son pays qu’il a une puissance de suggestion iconique. Vous voyez un kimono, vous voyez le Japon, et vice-versa. La simplicité de sa forme, le raffinement de son tissu, la finesse et la richesse de ses motifs, à la fois œuvre d’art et habit, le Kimono est connu dans le monde entier. Et pourtant, le milieu des fabricants de Kimono : peintres, teinturiers, tisserands, couturiers, tout domaine confondus, est en voie de disparition ! Comment un vêtement si présent dans l’imaginaire commun du Japon peut-il se retrouver dans un tel état de crise ? Penchons-nous un peu sur la question.

Un milieu professionnel en plein déclin


estampes kimonos

Une des raisons principales de cette crise, c’est le vieillissement alarmant des artisans dans le domaine du Kimono. Le Tokyoïte Soichi Sajiki, dont la famille a perpétué ce savoir-faire pendant plus de 200 ans, affirme : « la plupart des artisans dans notre milieu ayant dans les 80 ans, je ne donne pas plus de 10 ans pour que des milliers d’années de techniques et de savoir-faire soient perdues à jamais ! ». Parmi les artisanats les plus en danger, il y a par exemple les techniques de tissage du chanvre, dont les secrets ne sont connus plus que par cinq femmes octogénaires vivant dans les montagnes de la préfecture de Niigata. Ou encore un Trésor National Vivant dont la spécialité est la peinture de motifs à Kimono en or pur. Si certains de ces artisans d’exceptions obtiennent des aides du gouvernement, il est tout de même très difficile aujourd’hui de vivre d’un tel métier. Lui et ses compères luttent pour trouver des moyens de transmettre ce patrimoine aux générations futures. Mais malheureusement, il est difficile pour eux de trouver une relève.

Une société modernisée où le Kimono n’a plus sa place


couple japonais kimono

Bien évidemment, l’industrie du Kimono ne pouvait pas se retrouver dans une telle crise auparavant, puisqu’elle devait vêtir un pays tout entier. Mais déjà pendant l’ère Meiji, beaucoup de Japonais avaient commencé à adopter les vêtements occidentaux.

Tout d’abord, les Japonais combinaient avec des vêtements traditionnels japonais, comme par exemple un ensemble de costume avec un Haori (羽織, vêtement porté sur un Kimono) par-dessus. Mais très vite, surtout dans les milieux urbanisés, les vêtements occidentaux furent considérés comme le summum du bon goût. De nos jours, les Japonais ne portent plus de Kimono dans leur vie quotidienne. Le port de ces vêtements est maintenant réservé aux évènements, comme les festivals, les mariages et autres cérémonies. La plupart des Kimonos sur le marché sont maintenant faits à la machine, avec des teintures chimiques, beaucoup plus accessibles au porte-monnaie du Japonais moyen. Dans certains milieux professionnels, comme l’hôtellerie de luxe ou les arts traditionnels, on peut encore voir des personnes portant le Kimono.

Il faut dire aussi que ce vêtement n’est plus du tout adapté à la vie actuelle. 
Autrefois, pendant l’hiver, les Japonais se tenaient au chaud en accumulant couche sur couche différents kimono. On a du coup tendance à préférer un bon pull. Les manches larges sont également peu pratiques, vu qu’ils peuvent s’accrocher à tout et rien si on ne fait pas attention. Et je ne parle pas du Obi (帯), cette large ceinture rigide de plusieurs mètres de longueur ! Pour le nouer, il existe de multiples styles et techniques qui, s’ils sont magnifiques, ne sont absolument pas faciles à maîtriser. C’est d’autant plus difficile pour les femmes, pour qui le port du Kimono revient à entraver leurs mouvements. Bref, le Kimono de nos jours est beaucoup plus proche de l’œuvre d’art que de l’habit commun.

Quelles solutions possibles ?


kimono artisanat : kurume-gasuri

© Artisanatjaponais.com

Comment faire pour éviter que le Kimono ne disparaisse avec tout le patrimoine culturel et technique qui en découle ? Si les débouchés sur le monde artistique sont une possibilité, il n’empêche que le Kimono, si l’on veut le réinsérer dans notre vie quotidienne, se doit d’évoluer. Beaucoup de fabricants de Kimono souhaiteraient proposer leurs produits auprès d’une clientèle étrangère. Mais, même si nous sommes tous ébahis par la beauté de ces vêtements, comment pourrions-nous investir dans un habit que nous ne pourrions porter dans la vie de tous les jours ?

L’aspect esthétique en lui-même n’est pas un problème en soi. Plus d’une fois, au cours d’expositions, les artisans japonais ont su nous démontrer que le Kimono peut adopter des motifs et un style plus contemporains. Il faudrait ajouter à cela un design qui faciliterait davantage les mouvements, et qui nécessite moins de temps à enfiler. Quelques initiatives existent déjà. Comme par exemple des collaborations avec un designer étranger, ou une campagne de financement participatif pour apporter les Kimonos à la Fashion Week 2016 de New York. Mais cela ne suffira pas pour l’instant à démocratiser le Kimono dans le reste du monde.

© artisanatjaponais.com / Écrit par Lucas, en direct du Japon.


SOURCES EXTERNES :